C’est d’abord au théâtre, en attendant le cinéma, que les Français tout comme les Européens ont nourri, au XIXe siècle, leur passion pour l’image. Le succès rencontré à partir de 1799 par le Panorama et divers dioramas, qui font découvrir de célèbres sites à différentes heures du jour, conduit les théâtres du boulevard à en copier les effets. A la fin de la Restauration, les scènes les plus prestigieuses, la Comédie-Française et l’Opéra, les adoptent à leur tour, donnant à la mise en scène un rôle très important. Toutes les conditions techniques sont réunies pour cette transformation. C’est d’abord la machinerie au fonctionnement bien établi dès le XVIIIe siècle : des cintres aux dessous, châssis et fermes, supports des décors, attendent d’être manipulés par les machinistes. Quant aux trucages, inventés souvent pour les féeries, ils transportent les spectateurs dans le pays de l’illusion. Au fil du temps, l’introduction du gaz puis de l’électricité contribue à modifier la mise en scène. Bientôt la fermeture du rideau entre les actes - grande nouveauté - permet d’installer des décors grandioses, qui remplacent souvent les changements à vue. Pour répondre au désir de couleur locale, puis de vérité historique, défendues par Victor Hugo, mais déjà réalisées pour les costumes dans les années 1730, naissent l’opéra historique, le drame et le ballet romantiques qui démodent la tragédie lyrique. Les décorateurs, actifs sur toutes les scènes parisiennes, s’amusent à offrir aux spectateurs des « tableaux » de lieux qu’ils peuvent reconnaître ou qui les font rêver. Ainsi, le « metteur en scène » – qu’il soit auteur de l’ouvrage, acteur, régisseur ou encore administrateur du théâtre – rêve, dès 1830, de spectacle total et s’emploie à créer une vision esthétique cohérente. C’est à cette histoire rédigée par des spécialistes de l’histoire du théâtre au XIXe siècle, que nous invite ce livre. Il nous explique grâce à de nombreuses illustrations le fonctionnement de la machinerie et les trucages. L’organisation de l’iconographie suit une approche thématique autour des décors le gothique, la nature, l’exotisme
ainsi que le réemploi, pratique récurrente à la Comédie-Française. On y trouve ainsi une centaine de décors de qualité exceptionnelle, conçus pour Hernani, La Sylphide, Marion Delorme, Robert le Diable, Gustave III, La Juive, Aïda
C’est l’occasion de les redécouvrir : en dépit de leur succès retentissant au XIXe siècle, ils restent méconnus aujourd’hui.